«Si la gauche passe, je ne louerai plus mon logement» : cette idĂ©e du Nouveau Front populaire qui fait enrager les propriĂ©taires DÉCRYPTAGE - Dans le programme de la gauche, s’est glissĂ©e une nouvelle obligation qui risque de refroidir les propriĂ©taires bailleurs. « Ce sera Cuba sans le soleil !», « Si la gauche passe, je ne louerai plus mon logement » ou « J’ai quelques copains socialos bobos propriĂ©taires, j’ai hĂąte de voir leurs rĂ©actions ». À la lecture du programme «logement» du Nouveau Front populaire en vue des Ă©lections lĂ©gislatives, Isabelle, Henri et Sylvain, trois propriĂ©taires, dont Le Figaro a recueilli les tĂ©moignages, rient jaune. « C’est un retour en arriĂšre, l’époque oĂč la gauche dĂ©fend les squatteurs et les dĂ©linquants ! », enrage Sylvain, 45 ans, qui a dĂ» attendre prĂšs de deux ans avant de rĂ©cupĂ©rer son logement occupĂ© par un locataire qui a refusĂ© de partir Ă  la fin de son bail. Pour Manon Aubry, eurodĂ©putĂ©e de La France Insoumise, « savoir que plus de 3 millions de logements sont vides, alors que 300.000 sans-abris sont dans la rue, c’est insoutenable !» Le droit au logement, consacrĂ© par la loi Dalo (Droit au logement opposable), est sacrĂ©. Peu importe si le droit de propriĂ©tĂ© , constitutionnel et protĂ©gĂ© par la DĂ©claration des droits de l’homme, est bafouĂ©.

Si la coalition de gauche gagne les Ă©lections lĂ©gislatives, elle prĂ©voit donc d’« adopter une grande loi pour garantir le droit au logement». Avec au programme deux mesures qui ont de quoi hĂ©risser les poils des propriĂ©taires. La premiĂšre : la suppression de la loi anti-squats qui « criminalise les locataires», selon le Nouveau Front populaire. ConcrĂštement, vous ne pourrez plus expulser les squatteurs en quelques jours (72 heures en thĂ©orie) et devrez repasser par une longue et coĂ»teuse procĂ©dure judiciaire (1 Ă  2 ans). « Comment est-il possible de valider l’occupation abusive d’une propriĂ©tĂ© qui nous a coĂ»tĂ© prĂšs de vingt ans d’efforts ?!C’est absolument injuste», dĂ©nonce Henri, la soixantaine et propriĂ©taire d’une rĂ©sidence principale sur la CĂŽte d’Azur. Autre aberration qui fera son retour : les propriĂ©taires qui se font justice eux-mĂȘmes seront plus durement sanctionnĂ©s que les squatteurs. « C’est ouvrir grand la porte aux squatteurs», dĂ©crypte Guillaume Kasbarian, ministre du Logement, coauteur de la loi anti-squats. VoilĂ  pour le volet «squatteurs».

Concernant les locataires mauvais payeurs, les procĂ©dures d’expulsions, qui avaient Ă©tĂ© rĂ©duites Ă  environ 6 mois, seront Ă  nouveau rallongĂ©es (1 Ă  2 ans). À cela s’ajoute une nouvelle obligation qui ne manquera pas de faire hurler les propriĂ©taires: les locataires qui ne paient plus leurs loyers ou refusent de quitter leur logement malgrĂ© la fin du bail ne seront pas expulsĂ©s tant qu’ils n’auront pas Ă©tĂ© relogĂ©s. C’est Ă©crit noir sur blanc sur le programme du Nouveau Front populaire. Ce ne sera pas aux propriĂ©taires de se charger de ce relogement mais aux prĂ©fets. Il n’empĂȘche, cette tĂąche, qui dure gĂ©nĂ©ralement entre trois et six mois, fera traĂźner d’autant l’expulsion des mauvais payeurs. Et retardera la possible vente ou relocation d’un logement pour lesquels les propriĂ©taires ne touchent plus de loyers et continuent de payer des impĂŽts voire de rembourser un crĂ©dit.

«Avec la gauche, aucun locataire n’aura intĂ©rĂȘt Ă  payer son loyer»

Actuellement, tout locataire « de bonne foi» (article 7 de la loi du 5 mars 2007) peut saisir la Commission de mĂ©diation de son dĂ©partement pour rĂ©clamer un logement d’urgence s’il est « menacĂ© d’expulsion sans relogement», « hĂ©bergĂ© ou logĂ© dans un logement de transition» ou « dans des logements impropres Ă  l’habitation ou insalubres». Les propriĂ©taires redoutent que cette nouvelle mesure du Nouveau Front populaire ne soit pas encadrĂ©e et n’ouvre une brĂšche dans laquelle les « locataires malhonnĂȘtes» s’engouffrent. « Ils vont refuser toutes les propositions ne respectant pas leurs exigences», craint Isabelle, la quarantaine et vivant prĂšs de Nantes (44), qui a eu maille Ă  partir avec un locataire dont la dette de plus de 15.000 euros a Ă©tĂ© rayĂ©e par la Commission de surendettement. Une brĂšche qui pourrait engendrer une explosion des loyers impayĂ©s , aux dires des experts que nous avons interrogĂ©s. « À moins d’ĂȘtre stupide, aucun locataire n’aura intĂ©rĂȘt Ă  payer son loyer», confie, avec une pointe de caricature, un spĂ©cialiste de l’investissement immobilier. « Personne ne voudra mettre le moindre appartement en location. Et ce sont les locataires qui seront les grands perdants du programme de la gauche. Sans propriĂ©taire, pas de locataire », prĂ©vient SĂ©bastien, la trentaine. « La gauche n’a toujours pas compris qu’un logement louĂ© dĂ©pend de la bonne volontĂ© des propriĂ©taires qui ont un rĂŽle social» , confirme Mathilde. Le logement s’accompagne de devoirs, notamment celui de payer son loyer. S’il n’est pas respectĂ©, le locataire doit partir, surtout si la justice en a dĂ©cidĂ© ainsi, sauf Ă  considĂ©rer que le droit de propriĂ©tĂ© n’existe pas.»

Un locataire mauvais payeur peut Ă©galement rĂ©clamer un relogement s’il a Ă  sa charge « au moins un enfant mineur» ou s’il « prĂ©sente un handicap». Simone, octogĂ©naire, l’a appris Ă  ses dĂ©pens. Depuis prĂšs de 5 ans, elle tente de rĂ©cupĂ©rer son appartement, situĂ© en rĂ©gion parisienne, qui continue d’ĂȘtre occupĂ© par une personne handicapĂ©e, malgrĂ© une dĂ©cision d’expulsion qui date d’octobre 2019. Sa dette locative , qui dĂ©passe les 90.000 euros, a Ă©galement Ă©tĂ© effacĂ©e par la Commission de la dette. « PlutĂŽt que de respecter le droit de propriĂ©tĂ© et d’accorder le concours de la force publique qui a Ă©tĂ© refusĂ© en mai 2020, le prĂ©fet prĂ©fĂšre lui payer l’ indemnitĂ© d’occupation (la loi oblige l’État Ă  payer cette indemnitĂ© aux propriĂ©taires dont le logement est occupĂ© par un locataire mauvais payeur, si le prĂ©fet refuse de faire intervenir les forces de l’ordre) qui dĂ©passe, ce jour, les 30.000 euros», raconte au Figaro Romain Rossi-Landi, son avocat, spĂ©cialiste du droit immobilier.

Une loi laxiste avec les squatteurs, des locataires mauvais payeurs protĂ©gĂ©s : le programme du Nouveau Front populaire ne risque pas de rassurer des propriĂ©taires dont le moral a Ă©tĂ© sĂ©rieusement entamĂ© par la crise immobiliĂšre. « Si la gauche passe, il faudrait ĂȘtre fou pour mettre en location un logement. Mieux vaut acheter des actions en direct ou en assurance vie. Les rendements sont supĂ©rieurs et pas de mauvais payeur », conclut Étienne. Cet article est paru dans Le Figaro (site web)

Note(s) : Mise Ă  jour : 2024-06-22 16:51 UTC +02:00

  • Klaq@jlai.lu
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    3 months ago

    On est plutĂŽt sur une concentration de l’ordre de presque 70%. Les 50% de foncier, ce sont les 13% qui ont plus de 5 logements en location. Et ça change quand mĂȘme considĂ©rablement la donne sur la politique de risque.

    Mais je suis d’accord qu’il faille des logiques d’offres de logements plus que de contraintes juridiques (sans toutefois nier la protection juridique de la partie faible au contrat de location, cĂ d le locataire). Mais Ă  ces.logiques s’additionnent aussi celle de la lutte climatique et la prise en compte de bĂ©tonnisation des espaces et leurs consĂ©quences.

    D’autres Ă©lĂ©ments sont aussi Ă  prendre en compte, notamment la sous-occupation des logements, vrai sujet toujours soigneusement Ă©vitĂ© par les politiques.